Une forêt implantée aujourd’hui parviendra à maturité pour être exploitée dans 30 à 200 ans selon les espèces. Or la teneur de l’atmosphère en gaz carbonique (CO2) pourrait doubler dans le siècle à venir, la température pourrait augmenter de 2 à 5° C, et le régime des pluies devrait être modifié. Des chercheurs de l’INRA étudient l’impact de ce changement climatique sur les forêts, pour essayer de l’anticiper. La croissance des forêts pourrait s’accélérer, mais leur sensibilité à la sécheresse pourrait aussi être affectée. Cette nouvelle hypothèse a dès aujourd’hui des conséquences sur le choix des espèces pour le reboisement et sur la gestion des forêts.
Le CO2 stimule la croissance des arbres
L’augmentation de la teneur de l’atmosphère en CO2 accélère la croissance des arbres. Le CO2 est en effet la matière première de la croissance des végétaux. Grâce à des études expérimentales, menées dans des serres ou dans des chambres de culture à ciel ouvert, plusieurs équipes de chercheurs, dont celles de l’INRA ont pu chiffrer cette augmentation : elle est d’environ 40% pour un doublement de la teneur en CO2. Ce chiffre varie selon les espèces forestières et est en règle générale plus élevé chez les espèces feuillues que chez les espèces résineuses. Les conséquences de cette augmentation de productivité ne sont pas forcément positives, car la sensibilité des arbres aux contraintes du milieu (déséquilibres nutritionnels) pourrait être accrue. Par ailleurs, les propriétés technologiques du bois (propriétés mécaniques, composition chimique) pourraient être affectées.On peut également prédire une accélération de la croissance initiale des jeunes forêts. Il faudra donc prévoir des modifications à apporter aux règles de conduite des peuplements forestiers et vraisemblablement faire des éclaircies plus précoces.
Le CO2 affecte la sensibilité des arbres à la sécheresse
L’augmentation de la teneur de l’atmosphère en CO2 réduit l’ouverture des stomates, orifices situés à la surface des feuilles par lesquels la plante absorbe le CO2 et laisse échapper de la vapeur d’eau. Cet effet est très variable selon les espèces. Pour certaines, comme le chêne, la réduction d’ouverture des stomates est nette, ce qui diminue les pertes d’eau par la transpiration foliaire de l’arbre et devrait donc réduire la sensibilité à la sécheresse. Pour d’autres espèces, comme le pin maritime ou le hêtre, cet effet “antitranspirant” est moins important, voire inexistant. Les implications écologiques de ces différences entre espèces sont évaluées en fonction du type de sol sur la base de simulations du climat futur.
Echafaudages en forêt de chênes sessiles (Champenoux) pour la mesure in situ des échanges gazeux et de la croissance Photo Michel Pitsch
Ces résultats ont été obtenus à l’INRA grâce notamment à la mise au point d’une méthode de mesure du flux de sève, qui permet de quantifier la consommation d’eau d’un arbre. Ce lien entre teneur en CO2 et résistance à la sécheresse intéresse de près les chercheurs : sous les latitudes tempérées européennes, des sécheresses estivales plus prononcées seront probablement une des caractéristiques principales du changement climatique. Ces connaissances permettent ainsi d’orienter les choix des essences pour les reboisements à venir.
article de FUTURAPLANETE du 2/01/2019