Construction bois : l’inquiétant scénario pour les forêts françaises

L’essor de la construction bois va surtout profiter aux produits résineux d’importation pointe un nouveau rapport, qui sera présenté ce jeudi. Les acteurs français commencent à s’organiser mais les ressources nationales en essences résineuses seront insuffisantes dès 2030.

Le paradoxe ne date pas d’aujourd’hui, mais il prend une dimension nouvelle dans un contexte où la construction bois décolle dans à peu près tous les segments du bâtiment : c’est le bois résineux d’importation qui va alimenter en grande partie les ouvrages qui poussent dans toute la France, tandis que la forêt hexagonale, composée en grande partie de feuillus, reste sous-exploitée. Jean-Marie Ballu, ingénieur général honoraire des Ponts des eaux et des forêts, présentera ce jeudi 12 octobre une étude complète et remise à jour sur le sujet, devant l’Association Française des Eaux et Forêts (AFEF). Intitulée «  Un paradoxe français, une forêt sous-exploitée et un envol ?…des constructions en bois importés », elle rappelle l’incapacité française à structurer une filière compétitive par rapport à la concurrence étrangère, et dévoile des pistes pour la mettre en marche.

Le diagnostic (qui se répète) : la forêt française est sous-exploitée malgré la demande bondissante en bois de construction

« Cela fait 70 ans que le problème est connu et il y a eu pas moins de 25 rapports sur le sujet ! », s’agace Jean-Marie Ballu.  De fait, si la construction bois progresse chaque année, s’imposant d’abord dans les extensions-surélévations (1 sur 5 est en bois) et pesant, désormais, 5% du total de la construction de logements collectifs, ce sont les résineux bois d’importation qui en profitent. La raison ? Les filières norvégiennes ou d’Europe centrale sont très compétitives, notamment pour les pins Douglas trentenaires.

Quant au coût du sciage, il pèse lourd dans la balance commerciale en défaveur de la France : il oscille entre 110 et 130 € le m3 dans l’Hexagone, et seulement 100 € le m3 en Finlande. Il est donc beaucoup plus facile pour un constructeur français de contracter de gros volumes auprès de fournisseurs étrangers.

La perspective : le non-reboisement va creuser un « trou » de la ressource résineuse en France à partir de 2030

Les rapports successifs sont unanimes concernant  la forêt française : la sous-exploitation de ses feuillus est criante (26% seulement de la récolte), alors qu’ils constituent 72% de la forêt nationale. Les résineux, en revanche, sont très demandés et de mieux en mieux exploités…  « Ils ne sont  plus assez plantés depuis la disparition du Fonds forestier national (FFN) ou « fonds bois » en 2000, auquel plusieurs nouveaux fonds devaient se substituer », rappelle Jean-Marie Ballu. Mais, faute de budgets suffisants, ils n’ont jamais vu le jour. Résultat, il prévoit l’effondrement de la ressource résineuse nationale à partir de 2030, comme le montre ce graphique.

 

Les solutions : pédagogie et incitations

Outre les actions structurantes mises en place ces dernières années, notamment depuis 2016 par le Comité stratégique de la filière bois (CSF Bois), le rapport préconise une sensibilisation des maîtres d’ouvrage et maîtres d’œuvre aux solutions issues de feuillues. C’est le cas de solutions de lamellé-croisé (CLT) en hêtre (feuillu, donc) plutôt qu’en résineux.

« Mais au-delà de l’utilisation en structure, le développement peut porter volontairement sur les aménagements intérieurs », préconise Jean-Marie Ballu, qui cite les escaliers, huisseries… « Cependant, relancer l’utilisation de feuillus avec la promotion immobilière et les architectes nécessitera la sérieuse modernisation d’une filière ayant perdu des parts de marché et pris du retard », pointe l’expert. Qui réclame également un nouveau fonds de reboisement et d’adaptation au changement climatique. Tout ou presque reste donc à faire.

article du “moniteur.fr” publié le 10/10/2017