Pour inscrire l’exploitation forestière dans des conditions écologiquement, socialement et économiquement durables, la prise en compte de l’ensemble des services rendus par la forêt et de ses multiples usagers s’impose. Piloté par l’unité LESSEM du centre Irstea de Grenoble, le projet OUI-GEF, financé via le programme PSDR Rhône-Alpes, fournit des outils innovants, construits avec les acteurs du territoire pour faire émerger une vision partagée et collective de la gestion forestière.
Conservation de la biodiversité, production de bois, protection contre les risques naturels, accueil d’activités récréatives…, l’écosystème forestier remplit de multiples fonctions. Des fonctions à l’origine d’enjeux de gestion parfois contradictoires qui peuvent générer, à l’échelle d’un territoire, des conflits entre les acteurs. Comment concilier ces enjeux et créer les conditions d’une gestion territoriale des forêts qui soit intégrée et viable, c’est la question à laquelle les scientifiques de l’unité LESSEM du centre Irstea de Grenoble et leurs partenaires ont voulu répondre dans le cadre du projet OUIGEF. Leur but : développer ou valider des outils techniques et organisationnels innovants pour promouvoir une gestion forestière multipartenariale et concertée.
Pour cela, le projet a été mené sur trois territoires tests – les Parcs Naturels Régionaux des Bauges, de Chartreuse et du Pilat – et a porté sur trois problématiques majeures pour la gestion forestière : l’évaluation de la ressource forestière et des services écosystémiques, les conditions de mobilisation de la ressource et enfin le partage des connaissances. A travers des pistes d’exploration variées, le projet qui vient de s’achever, a abouti à la constitution d’une boite à outils sur lesquels les acteurs et gestionnaires pourront s’appuyer.
Des outils pour mieux estimer la ressource et les services rendus
Afin de mieux estimer la ressource disponible à l’échelle d’un territoire, l’Office national des forêts, partenaire du projet, a utilisé la technologie LiDAR (imagerie laser) aéroportée. Les images obtenues et les méthodes développées pour les analyser ont permis de cartographier les peuplements forestiers et d’en extraire des paramètres essentiels pour la gestion forestière : la hauteur ou le diamètre moyen des arbres, la surface terrière ou encore la localisation des gros arbres. « Nous avons ainsi pu acquérir, sur les territoires survolés, des informations cartographiques continues et de fait d’une précision encore jamais obtenue. Par ailleurs, techniquement, les modèles d’analyse des données forestières issues des images LiDAR ont pu aussi être améliorés », précise Marc Fuhr, chercheur au LESSEM et pilote du projet.
Grâce à ces nouvelles données, les scientifiques d’Irstea ont pu étudier plus finement les services rendus par la forêt. Ils ont par exemple réalisé une cartographie à l’échelle d’un territoire donné (département, parc naturel régional) des forêts qui ont un rôle de protection contre le risque de chute de pierre, en intégrant les données LiDAR dans les modèles de simulation des trajectoires de chute de pierre développés par Irstea. En réponse à l’enjeu de préservation de la biodiversité et précisément à l’objectif de maintien d’une trame de vieux bois1, ils ont aussi élaboré un protocole pour identifier les forêts matures, ces vielles forêts qui représentent des espaces favorables aux espèces animales et végétales se nourrissant de bois mort.
L’apport des sciences sociales pour promouvoir une exploitation concertée
Pour favoriser une meilleure concertation des parties prenantes et usagers, les partenaires se sont intéressés aux pratiques d’exploitation (coupes de bois). Testé avec des acteurs des territoires étudiés, ils ont conçu un outil pour évaluer, collectivement et en amont de l’exploitation, l’ensemble des fonctions d’une forêt donnée. Cette grille d’analyse qui s’appuie notamment sur l’impact potentiel d’une coupe ou les effets comparés de différents types de coupes, sert à évaluer le poids des critères économiques, environnementaux et sociaux de la forêt, et à s’accorder en conséquence sur les modalités de gestion à mettre en œuvre.
Parallèlement, le comportement des propriétaires de forêts privées – acteurs importants de la gestion forestière – a été analysé pour déterminer leurs motivations à couper leurs arbres. Si des enquêtes sociologiques ont déjà été menées, l’originalité de la méthode mise au point dans le cadre de OUI-GEF a été d’associer aux critères sociodémographiques des propriétaires (âge, sexe, revenus…), des critères biophysiques de leur parcelle forestière (types d’essences d’arbres, altitude, pente, orientation de la parcelle). « Sur les territoires enquêtés, les résultats donnent un bon éclairage sur les facteurs qui motivent les propriétaires à exploiter leurs bois. De telles informations peuvent aider les collectivités à cibler ou prioriser une politique d’incitation pour l’exploitation des forêts », commente Marc Fuhr.
Des outils pour diffuser et partager les connaissances de la forêt
Plusieurs outils de diffusion des connaissances sont nés du projet OUI-GEF, et notamment un jeu pédagogique en ligne – Le jeu de bois – qui vise à sensibiliser le grand public à la construction d’une filière durable de valorisation du bois en énergie renouvelable.
A destination cette fois des publics professionnels, un géo-catalogue de données forestières a aussi été réalisé. Unique en son genre, cette base de données géo-référencées, accessible en ligne et qui sera continuellement enrichie, réunit les données produites par les différents acteurs locaux impliqués dans la gestion d’une forêt : gestionnaires, chercheurs, associations de protection de la nature… Mais ce n’est pas tout. Le catalogue est accompagné d’un mode d’emploi des données adapté aux problématiques concrètes auxquelles gestionnaires et autres acteurs peuvent être confrontés. Construction d’une trame de vieux bois, élaboration d’un plan de câblage pour extraire le bois coupé, organisation d’une manifestation sportive à grande échelle ou encore construction d’un circuit court d’approvisionnement en bois énergie, selon chaque cas de figure, l’outil guide l’utilisateur vers les données utiles et la manière optimale de les utiliser.
collective de la gestion forestière.
Fiche d’identité du projet OUI-GEF
- Nom : Outils innovants pour une gestion concertée des forêts (OUI-GEF)
- Dates : 2015-2019
- Coordinateur : Irstea, unité LESSEM, Marc Fuhr
- Budget : 660 000 €
- Financement PSDR : INRA, Région Auvergne Rhône-Alpes, Irstea, Union européenne (FEADER, PEI-AGRI)
- Partenaires : UR LESSEM, UMR Espace, UMR Edytem, Centre Régional de la Propriété Forestière Rhône-Alpes, Institut pour le Développement Forestier, Office National des Forêts, Parc Naturel Régional de Chartreuse, Parc Naturel Régional du Massif des Bauges, Parc Naturel Régional du Pilat
La valorisation de la biomasse, pilier de la bioéconomie
La bioéconomie s’appuie sur l’utilisation des ressources issues du vivant, comme la biomasse fournie par les forêts, pour assurer nos besoins en alimentation, énergie ou construction, tout en limitant notre impact sur l’environnement.
La France s’est dotée d’une stratégie pour la bioéconomie en janvier 2018. La commission européenne a révisé en octobre 2018 sa stratégie pour mettre en exergue la nécessité d’une bioéconomie durable et circulaire.
Afin de définir les besoins de recherche pour aller vers une bioéconomie durable qui intègre les limites finies de la planète, l’INRA, Irstea et l’IFPEN en association avec les Ministères “Agriculture et Alimentation”, “Enseignement supérieur, Recherche et Innovation”, “Transition Écologique et Solidaire” et en partenariat avec le Ministère Fédéral Allemand de “l’Alimentation et de l’Agriculture”, organisent un colloque européen sur la bioéconomie les 29 et 30 octobre 2019 à Paris.
article d’IRSTEA