Après l’Accord de Paris, comment concilier l’adaptation des forêts au changement climatique et, en même temps, renforcer les actions d’atténuation basées sur les forêts ? Vaut-il mieux augmenter les récoltes de bois en forêt ou les diminuer ? Faut-il garder le carbone en forêt ou le stocker ailleurs dans des produits bois ? Quels compromis entre les stocks de carbone en forêt et/ou dans les produits du bois ? Autant de sujets débattus par sept différents acteurs forestiers, venant du monde de la recherche, de l’investissement, de la gestion des forêts, des ONG et de la décision publique.
Leurs échanges ont montré, qu’en matière de forêt, les défis climatiques appellent à faire preuve d’imagination et de souplesse. Entre intensification et « extensification », séquestration de carbone versus substitution, atténuation et adaptation : tout l’enjeu consiste à trouver des solutions complémentaires, permettant à la fois de mobiliser le bois sans affecter les puits de carbone forestier.
La gestion des forêts, une nécessité qui fait consensus
« Pas de solution miracle » en matière de forêt, a amorcé Julie Marsaud, de France Nature Environnement (FNE). « Les arbitrages sont complexes et les décisions politiques doivent être spécifiques à chaque pays. La gestion des forêts est nécessaire pour atteindre les objectifs de l’Accord de Paris. »
Pour Salvatore Martire, de l’Association des forêts d’État européennes (EUSTAFOR), « les besoins en matière de gestion durable des forêts sont très variés en Europe. Cette gestion, pour avoir un réel impact en termes de lutte contre le changement climatique, devrait être planifiée à long terme ».
De son côté, Laura Nikinmaa, de l’Institut forestier européen (EFI), a appelé à « des stratégies de gestion qui imitent les forêts naturelles pour faire face aux changements climatiques ».
Réduire l’exposition aux risques et développer la bioéconomie
Selon Jean-François Dhôte, de l’Institut national de la recherche agronomique (INRA), « l’excès de bois dans les forêts vieillissantes, conjugué à un stress climatique supplémentaire, expose les forêts à des risques ». Il a demandé que « le bois soit utilisé au lieu d’être préservé dans les forêts, contribuant ainsi positivement au changement climatique et à la réduction des risques ».
Karin Simonson, de Ressources naturelles Canada, l’unité en charge du service forestier au sein du ministère canadien de l’Environnement, a apporté un regard extérieur à l’Europe. Elle a souligné le contexte des forêts du Canada – les troisièmes plus grandes au monde – qui ont été la cible d’incendies de forêt importants au cours des dernières années. « Le plan du “Cadre pancanadien pour une croissance propre et les changements climatiques” prévoit des mesures spécifiques pour les forêts, y compris le développement de la bioéconomie. »
Le stockage du carbone, un levier majeur mais insuffisant
Giacomo Grassi, du Centre commun de recherche de la Commission européenne (CCR), a évoqué les compromis entre la maximisation des stocks de carbone et l’absorption. Il a noté que « les réponses à la question de compromis varieront en fonction des priorités politiques » et a encouragé « l’élaboration d’un portefeuille de stratégies régionales ».
Si les acteurs sont d’accord sur l’objectif final qui ne consiste pas à « stocker du carbone mais bien de revenir à un niveau zéro d’émissions de gaz à effet de serre », comme l’a rappelé Benoît Leguet, directeur général de l’Institut d’économie du climat (I4CE, Institute for Climate Economics), « il est donc nécessaire de s’attaquer aux émissions climatiques plutôt que de se concentrer exclusivement sur le stockage du carbone ».