Trois scieries de la LOIRE (PILAT) et un fabricant de lamellé-collé s’allient pour construire en sapin blanc. L’INRA va lancer un projet de recherche pour améliorer la qualité du bois de cette essence.
Remettre le sapin blanc au goût du jour dans la construction avec le bois d’ingénierie qu’est le lamellé-collé ! Dans cette optique, quatre entreprises font cause commune pour cette essence et lancent du bois de sapin en lamellé-collé. Le quatuor se compose des scieries Vray, Montmartin et Chorain, toutes situées à proximité ou au sein du massif du Pilat (Auvergne-Rhône-Alpes), ainsi que du lamelliste Colladello, basé à proximité, dans la Drôme.
Des nuances de blanc pour un style design
Avec ses nuances de blanc, le sapin blanc (ou sapin pectiné) a de quoi séduire les consommateurs en quête d’un style design. Le lamellé-collé prendrait ainsi la relève du bois massif, « de moins en moins mis en œuvre pour les charpentes », selon le scieur Hubert Vray.
L’interprofession forêt-bois départementale IFB42 a joué le rôle de facilitateur pour ce projet commun. Yvan Petit, chargé de mission à IFB42, dépeint la situation locale :
« Les forêts de sapins blancs sont en train de vieillir. Si nous n’essayons pas de canaliser cette tendance, nous risquons de nous retrouver avec des arbres très gros, dont le bois perd de sa résistance mécanique et dont la transformation n’est plus rentable. »
Un montagnard avec de bonnes propriétés mécaniques
Féru de régions de moyenne montagne, le sapin blanc pousse jusqu’à 1 800 mètres d’altitude. Il peuple les forêts du Pilat, du Massif central, des Vosges et des Alpes, des Pyrénées. Son bois damera-t-il le pion au douglas, à l’épicéa, aux bois importés ? C’est l’ambition du projet que de trouver de nouveaux débouchés pour cette ressource locale, issue d’un rayon de 100 km.
« Le sapin blanc, avec son bois dense, dispose de propriétés mécaniques légèrement supérieures à celles de l’épicéa »,
En prélude à son lancement sur le marché, le lamellé-collé de sapin blanc a donné corps à un premier bâtiment expérimental, en 2015, soit un site de négoce de la scierie Vray avec plus de 160 m3 de sapin blanc. Une autre réalisation a mobilisé 9 m3, pour l’extension de Quint’essence, une coopérative dédiée à l’éco-construction à Eurre (Drôme).
Séchage renforcé contre les poches d’eau
Le bois du sapin pectiné ne présente pas de poche de résine, mais peut contenir des poches d’eau. Un défi qu’ont voulu relever les trois scieries partenaires. En témoigne Hubert Vray :
« Les scieurs s’intéressent peu à cette essence pour le bois d’ingénierie, à cause des zones d’eau qu’elle contient. Ou alors, ils les valorisent en bois de coffrage ou de petite dimension. Nous, nous avons opté pour un préséchage à l’air libre avant le passage en séchoir. »
Le projet Sap-In pour parer le sapin face aux poches d’eau et à la sécheresse
Comment résoudre le casse-tête des poches d’eau du sapin blanc ? C’est l’objet de Sap-In, un projet de l’unité mixte de recherche PIAF (Inra-université Clermont-Auvergne) qui doit démarrer à l’automne 2017. Il s’intéresse aussi à la résistance de cette essence à la sécheresse. Dans les deux cas, la dynamique des fluides (sève…) est en jeu, l’équipe aborde ces questions sous l’angle du fonctionnement hydraulique des arbres. Piloté par Hervé Cochard, directeur de recherches à l’INRA, Sap-In dispose d’un budget de 583 000 euros sur 4 ans, financé à 42 % par la région Auvergne-Rhône-Alpes. La méthode de centrifugation Cavitron doit permettre d’évaluer la résistance à la cavitation (formation de bulles d’air et de vapeur d’eau dans les conduits de sève). Le scanner à rayons X du plateau Xyloscience de l’INRA-Nancy est sollicité pour visualiser en 3D les variations de densité dans le bois. Et des tests de résistivité électrique sont prévus sur des arbres en forêt, en lien avec l’Office national des forêts (ONF) et le centre régional de la propriété forestière (CRPF). Sap-In devrait notamment aboutir à unecartographie des zones à risques pour le sapin blanc dans la région en cas de sécheresse. Il doit aussi en sortir des méthodes pour réduire les poches d’eau, avant la récolte du bois, et pour détecter celles-ci dans les scieries.
Les trois scieurs ont investi dans des séchoirs. Ils travaillent à affiner les cotes des sciages bruts avant séchage. Une façon de s’adapter aux « bois issus des plantations de nos forêts jardinées, qui peuvent présenter des hétérogénéités en termes d’accroissement et des retraits variables lors du séchage », note Hubert Vray. De plus, le séchage s’avère plus long que pour l’épicéa.
Ce traitement renforcé implique un surcoût. Aussi, les partenaires se positionnent sur des marchés de niche, et s’orientent vers des produits sur mesure.
Chrystelle Carroy/Forestopic