C’est tout de même extraordinaire, on parle d’environnement depuis des années sur le plan international (Rio, Kyoto, Paris) avec des avancées formidables mais souvent peu ambitieuses pour la forêt. À l’occasion du sommet sur l’accord de Paris « One planet summit », Antoine d’Amécourt, président de Fransylva, rappelle les ambitions données à la forêt et surtout les moyens qu’il faut lui allouer pour relever ce défi.
La conférence internationale sur le climat COP 21 a effleuré la forêt et il aura fallu attendre 2017 pour que la COP 23 place le sujet au cœur du dispositif comme moyen de lutter contre le changement climatique. Deux ans après l’adoption de l’accord de Paris, la France organise*, le 12 décembre 2017, un sommet international pour trouver de nouvelles actions pour le climat, notamment sur le plan financier.
La forêt, stratégique pour les politiques climatiques
Après les océans, la forêt représente le premier capteur de CO2. Rappelons-le, le parquet, la charpente, les huisseries, le mobilier en bois, tous ces objets en bois du quotidien qui nous entourent, participent à la séquestration et au stockage du carbone. Et donc à l’atténuation du changement climatique… À condition que ces bois soient issus de forêts gérées durablement, ce pourquoi nous nous mobilisons sans faiblir.
Alors soyons concrets. Pour jouer son rôle environnemental, capter le CO2, et aussi purifier l’air, filtrer l’eau, assurer la biodiversité… la forêt a besoin d’abord de reconnaissance. Elle est trop souvent considérée par le grand public en Europe, et en France, comme un seul lieu de loisir, alors qu’elle représente un atout économique. Elle assure la production d’une matière première renouvelable (pour l’habitat, le mobilier, etc.) qui génère, en plus, des coproduits valorisables pour la production d’énergie. Grâce aux avancées de la recherche, le bois va se substituer en chimie à différents métaux et plastiques. Il apporte ainsi un substitut renouvelable à tous ces composants plus polluants.
Un bel élan donné par l’Europe et la communauté internationale
L’Europe et la communauté internationale ont pris conscience de l’enjeu forestier au niveau mondial. L’orientation de la COP 23, qui place la forêt parmi les dispositifs clés pour atténuer les effets du changement climatique, traduit bien cette ambition. Nous attendons avec impatience les résultats de cette grande concertation pour mettre en place les mesures concrètes sur le terrain. Notre pays sera-t-il à la hauteur de ce mouvement ? Permettez-nous de relever ici quelques contradictions.
Un programme forêt-bois ambitieux, des moyens en baisse
Il y a un nouvel intérêt réel pour les forêts françaises. Nous sommes le troisième pays forestier en Europe, avec une forêt en croissance et la plus diversifiée en termes d’essences. Nous bénéficions d’un plan ambitieux : le programme national pour la forêt et le bois (PNFB) qui donne une vision stratégique et des enjeux d’avenir pour la forêt. Et pourtant…
Pourtant dans les faits, rien ne laisse penser que les moyens permettront d’atteindre ces objectifs. Le ministère de l’Agriculture a abandonné son « F » (ex-ministère de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et de la Forêt) recentrant ses efforts sur le secteur agricole, laissant de côté l’enjeu forestier. Les projets de loi de finances 2018 et de loi de finances rectificative pour 2017 montrent une baisse des budgets liés à l’investissement en forêt, notamment pour le fonds stratégique.
Consacrer à la forêt un euro par tonne de CO2
Cette reconnaissance de la forêt en France doit se traduire dans les faits et plus précisément à travers une prise en compte des services qu’elle assure. La volonté politique est là, mais les moyens sont encore à déployer pour assurer le financement nécessaire à la pérennisation de la gestion durable de nos forêts. Notre demande est simple et légitime : consacrer un euro par tonne de CO2 de la taxe carbone à la forêt, pour assurer son renouvellement.
La filière forêt-bois française a besoin de 200 millions d’euros par an, afin d’assurer une gestion durable indispensable pour assurer la pérennité de la forêt et donc son rôle face aux changements climatiques. Ce montant a été mûrement réfléchi au sein de la filière. Il devrait être affecté sur un compte d’affectation spéciale, ce qui permettrait de le sortir de l’annualité budgétaire. C’est la demande que nous faisons pour activer le programme national forêt-bois en termes de renouvellement et d’amélioration de la forêt française.
Financer le renouvellement de la forêt
Ces fonds permettront d’augmenter le nombre de documents de gestion durable, de renouveler environ 50 000 hectares de forêts par an et d’améliorer 60 000 hectares par an de peuplements pauvres. Un plan qui, sur 8 ans, créera plus de 25 000 emplois pour le secteur forestier.
Ce budget est réaliste, atteignable et surtout porteur de perspectives environnementales et sociales fortes. Combien d’emplois en zones rurales, combien de tonnes de CO2 séquestrées et stockées qui joueront dans la substitution à d’autres matériaux ? Quel coup d’accélérateur formidable pour notre société qui cherche un nouveau modèle de développement, plus durable. Alors faisons-le ensemble, avec la forêt, et donnons-lui les moyens de réussir !
Antoine d’Amécourt, président de Fransylva au niveau national, Fédération des syndicats des forestiers privés de France
* Le « One planet summit » (en français : « sommet pour une planète ») est organisé conjointement avec l’Organisation des Nations unies (ONU) et le groupe de la Banque mondiale.